BibliotekaÊtre libre

29 grudnia 2015
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Que signifie être libre ? Est-ce qu’être libre, par exemple, se limite à l’être de ses mouvements. Peut-on être à la fois privé de liberté, tout en restant libre de ses mouvements ? Robinson Crusoé était-il libre, naufragé sur une île déserte ?

Pour répondre à ces questions, nous devons comprendre ce qui fait que les gens en arrivent à se considérer comme libres. Peut-on, par exemple, dire que les animaux sont libres ?

Quelle est d’ailleurs la différence entre les êtres humains et les animaux ? On pourra remarquer que les animaux naissent déjà programmés par la nature et que peu ou prou les différences entre les différents individus au sein d’une espèce restent constantes, et ne varient pas jusqu’à l’extinction de cette dernière. Je considère que si certains animaux peuvent être en liberté ils ne sauraient pour autant « être libres ».

Les êtres humains, comme les animaux, sont formatés par la nature, plus exactement par leur patrimoine génétique, mais là où les animaux ne changent jamais, l’histoire de l’humanité nous montre à quel point les Hommes ont été différents dans le monde et de par les différentes époques.

Remarquons aussi que quand des parents prennent la décision – plus ou moins consciente de mettre un enfant au monde, et s’ils n’ont pas la moindre idée de qui cet enfant deviendra, ils savent par contre que juste après sa naissance cet enfant ne sera personne, et que sans leur aide il ne survivra pas longtemps. Il faudra du temps pour que cet enfant se construise une personnalité et devienne quelqu’un.

Les enfants, comme les animaux, ont un instinct, mais les êtres humains ont en plus cette liberté intérieure, cette liberté vis-à-vis d’eux-mêmes, qui leur permet de développer leurs talents, et c’est pourquoi JJ Rousseau a pu écrire que quand la nature se tait, la liberté crie « encore ».

Les êtres humains s’en sont rendus compte depuis très longtemps, l’un des premiers à le conceptualiser fut Platon dans sa réponse à Protagoras sur le mythe de Prométhée, puis Pic de la Mirandole, en attribuant ce même mythe à Dieu. Après eux vint JJ Rousseau, Kant et bien d’autres. Mais tout compte fait c’est encore Jean-Paul Sartre qui décrit cela le mieux. Sartre a affirmé que dans le cas de l’être humain, et seulement dans ce cas, l’existence (la naissance) précède l’essence. Comment devons-nous comprendre cela ?

D’après Sartre, l’essence signifie tout ce qui crée un être ou un objet, ce qui lui donne son identité. Par exemple l’essence d’une voiture ce sont l’ensemble ses plans, Pour la voiture comme pour chacune des pièces qui la composeront. La voiture ainsi construite réagira de manière strictement conforme aux plans qui lui ont donné naissance. Dans ce cas précis, il est évident que l’essence (les plans) a précédé l’existence. La même situation prévaut pour les animaux: les gènes des parents comprennent toutes les informations nécessaires pour qu’un animal naisse exactement avec les caractéristiques qu’il était censé avoir.

La situation est différente en ce qui concerne l’être humain. Si l’on fait abstraction des aspects fonctionnels du corps et des capacités innées qui sont, comme chez les animaux, déterminées génétiquement, le reste de ce qui fait de nous une personne, quand ce n’est pas inné, peut-être appris. Grâce à cette liberté intérieure un jeune être humain peut s’intéresser à ce qu’il veut, devenir qui il veut. C’est ainsi qu’ont existé Hitler, Staline, Copernic, Newton, Chopin, sœur Teresa et tant d’autres.

Si l’apparence externe des êtres humains est toujours plus ou moins la même, en réalité nous sommes tous profondément différents. Il est donc clair que ce qui fait l’essence de l’homme apparaît après sa naissance, et donc après son existence. C’est pourquoi comme je l’ai déjà énoncé les hommes naissent libres, non formatés psychiquement, sont tous différents, ont des centres d’intérêt distincts, des aptitudes différentes, une intelligence différente. Il n’y a pas de nature humaine innée, par exemple il n’y a pas une personnalité féminine, ou masculine de référence, pas plus qu’il existe de génomes typiquement monacaux, soldatesque, arien, juif, slave, ou germain.

Encore une fois je veux souligner ici qu’il n’y a pas de « nature humaine ». S’il y en avait une, nous verrions apparaître peu ou prou ce que nous pourrions appeler un stéréotype humain, or ce stéréotype n’existe pas ; chaque personne est unique.

Je dois reconnaître que tous ne sont pas de cet avis. Par exemple les religions monothéistes affirment que l’homme a été créé par Dieu. Et même si l’homme est capable d’apprendre, et d’avoir sa propre volonté, il est en un sens programmé (c’est-à-dire que son essence précède son existence). Certains affirment même que dans le cadre de sa propre volonté l’être humain finit toujours par choisir ce que Dieu avait prévu pour lui.

Le mathématicien et Philosophe Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716) dans sa théorie appelée « Théodicée », prouve que Dieu, étant infiniment bon, et dans le but de créer le meilleur monde qu’il soit possible de bâtir, a voulu les êtres humains différents, depuis les boiteux, les fous, les aveugles, jusqu’aux génies, parce qu’ils sont tous nécessaires au monde. En tout cas, et sans vouloir approfondir ce sujet retenons que pour certaines religions, l’essence précède l’existence.

Pour d’autres, à l’exemple de Sartre, l’être humain peut devenir qui il souhaite : coiffeur, instituteur, militaire, ou bien d’autres. Au cours de sa vie, l’Homme peut être amené à endosser plusieurs rôles, qui impliquent un certain type de comportement : coiffeur, instituteur, militaire, etc.. Un exemple frappant est la description que Jean-Paul Sartre fait du rôle de serveur. Cette manière de jour un rôle, de se forcer à être quelqu’un est appelée par Sartre « mauvaise volonté ».

Si l’être humain naît sans aucune personnalité prédéfinie (comme s’il n’avait pas d’aptitudes particulières), tous les hommes naissent libres et égaux entre eux. Il arrive que nous perdions par la suite cette liberté, principalement pour l’une ou l’autre de deux raisons suivantes : l’appartenance à une communauté, qui prive l’individu de sa liberté, ou suite à un choix, libre ou contraint, d’implanter l’égalité parmi les Hommes.

En général nous appartenons tous à une communauté. On peut par exemple appartenir à la communauté des Polonais, des Allemands, des travailleurs, des aristocrates, des communistes, des anarchistes, etc.

Pour les auteurs catalogués à droite, l’être humain ne peut exister sans communautés. Joseph de Maistre écrivait qu’il avait rencontré beaucoup de personnes : des Français, des Allemands, des Russes… Il avait également entendu parler de beaucoup d’entre eux, jusqu’aux Papous. Mais il n’avait jamais entendu parler d’un homme libre, n’appartenant à rien, indépendant de tous et de tout. Il pensait que si un tel être existait, cela ne pouvait être que caché à ses yeux et aux yeux du monde.

N’en déplaise aux politiques et philosophes de droite (les romantiques), la déclaration des droits de l’homme stipule que tout être humain a droit au respect, indépendamment de ses appartenances communautaires.

On remarquera que renier sa collectivité d’appartenance n’est pas chose aisée ; même si cela est toujours faisable, c’est en général un acte douloureux et difficile. Une des raisons pourrait être que les gens ne veulent pas devenir adultes, pas tant au sens physiologique du terme, ni en termes de majorité légale, mais devenir adulte dans le sens de décider soi-même de mener sa vie. Beaucoup de personnes préfèrent rester inféodées à leur groupe et se plier aux règles qui y président, laissant le soin de prendre les décisions à d’autres personnes, par exemple à un chef.

À titre d’exemple, en Pologne seuls à peu près 50 % des électeurs inscrits participent habituellement aux scrutins électoraux. Pour cette même raison, par manque de maturité, dans beaucoup de pays les gens préfèrent donner leur voix à un chef (un roi, un césar, un dictateur, comme Hitler ou Staline par exemple), en se contentant d’un rôle de subordonné, comme un enfant au sein d’une famille.

On remarquera à ce sujet et avec surprise que souvent les dictateurs s’estiment être des démocrates, estimant régir de manière équitable et démocratique, la vie de leurs sujets.

En général, chaque communauté essaye de se prémunir contre le départ de ses membres ; chacun d’entre nous connaît j’en suis sur une triste histoire concernant un adolescent quittant la maison parentale, ou un autre qui est parti à l’étranger, quelqu’un qui quitte son groupe d’origine. Ceux qui restent qualifieront souvent une telle personne de renégat, de fils perdu ou de quelque chose de similaire.

On peut aussi se séparer mentalement d’une collectivité, en décidant de se fier à son propre jugement, de devenir libre sans devoir partir, mais dans ce cas on a quand même d’une certaine manière quitté sa communauté.

Étant libres, nous pouvons consciemment décider de rester ou pas au sein d’une collectivité. Bien sûr, avant de quitter l’abri et la sécurité qu’elle nous procure, nous devons nous demander un tel geste est rentable, si nous en avons les moyens, mais cela est une autre histoire.

Peut-on dire que l’appartenance à une communauté est une privation de liberté ? Il est au monde des nations qui privent presque complètement ses habitants de liberté, comme la Corée du Nord, d’autres qui leur laissent beaucoup plus de marges de manœuvre, comme les États-Unis d’Amérique. On ne connaît pas d’exemples de communauté qui prive totalement ses membres de la liberté, ou d’autres qui leur accorderaient une liberté absolue. Et ce même si en Corée du Nord on peut arbitrairement être jeté en prison, et perdre le peu de libertés qui nous restait. Quant aux États-Unis, les lois y imposent de nombreuses restrictions que Robinson Crusoé sur son île déserte n’avait pas besoin de respecter.

L’appartenance maçonnique prive-t-elle ses membres de liberté ? Réfléchissons. Dès la première attache nous informons le profane qu’il pourra toujours partir quand il le souhaitera. Nous le répétons pendant l’initiation, et les augmentations de salaire. Il n’y a donc ici aucune privation de liberté. Le plus grand châtiment qui puisse arriver en franc-maçonnerie est de s’en faire exclure, c’est-à-dire d’être forcé de retrouver le degré de liberté auquel on avait renoncé en étant initié ; on peut donc se demander si les différents serments prononcés pendant notre chemin initiatique sont un asservissement ou une marque de confiance et d’engagement.

La deuxième manière de perdre sa liberté est un excès d’égalité, non pas exprimée en termes de droits, mais en termes économiques ou politiques.

L’égalité en droits et le respect que l’on doit à toute personne humaine, acquis de la Révolution française en ce qui concerne l’Europe, et qui pour la Pologne existent depuis que le pays a retrouvé son indépendance, sont si ancrés dans nos traditions qu’il n’est pas nécessaire de les commenter, et qu’on pourrait même les dire indépendants de la notion de liberté.

Aujourd’hui, l’égalité en droit existe en Europe, et plus précisément dans l’Union Européenne, mais où la trouve-t-on ailleurs ? Soyons optimistes, et croyons qu’un jour cette égalité sera universelle.

Reste une question : l’égalité qui nous semble si désirable nous permet-elle de rester libres ? Je rappelle que nous envisageons ici une égalité décrétée et peu ou prou imposée en termes de revenus financiers (corrigés par des impôts ou par diverses prestations et aides sociales), en termes de droits à la santé (assurance sociale obligatoire), d’éducation (instruction obligatoire), etc. Une telle égalité n’est-elle pas incompatible (antagoniste) avec la notion de liberté ?

Le communisme, pratiqué dans les démocraties populaires, n’a jamais prétendu vouloir priver les gens de liberté, il souhaitait seulement établir une parfaite égalité entre les citoyens (à l’exception évidente de la nomenclature). Rappelons quand même que les éléments les plus actifs de ces communautés se virent imposer de force une égalité qu’ils ne souhaitaient pas, et qu’ils s’efforcèrent de quitter leur communauté en s’exilant en dépit de l’interdiction de le faire (ce qui les exposa à des condamnations en justice). Entre parenthèses cela rend difficilement compréhensible la position du philosophe JJ Rousseau (1712-1778), qui déclara qu’il préférait être privé de libertés 100 fois plutôt que d’être privé d’égalité une fois.

Selon certaines opinions extrêmes, l’État devrait, en matière d’égalité, se contenter d’assurer aux citoyens une sécurité extérieure et intérieure, ainsi qu’une éducation de base, et laisser le reste aux soins de la société. Mais selon d’autres opinions tout aussi extrêmes, l’État devrait se mêler de tout (État protecteur), ce qui a pour corollaire une certaine infantilisation des citoyens. Dans ce cas, cela signifie les priver de toute responsabilité, et donc de la possibilité de prendre en main leur destin, en d’autres termes de les priver de liberté.

Le célèbre philosophe et homme politique de la première moitié du XIXe siècle, Charles Alexis de Tocqueville, estimait qu’il faut maintenir un équilibre entre la liberté et l’égalité, qui sont dans une certaine mesure opposées l’une à l’autre.

Cet « équilibre » que suggère Tocqueville se retrouve aujourd’hui dans tous les pays démocratiques, mais il est interprété de manière très différente, depuis l’équilibre qui prévaut aux États-Unis d’Amérique, jusqu’à celui qui forme la base du pacte social des pays scandinaves. Mais en tout état de cause, tous les citoyens de ces pays se considèrent comme « libres ».

Remarquons aussi que les gens semblent le plus souvent préférer l’égalité à la liberté. En effet la liberté entraîne de nombreux problèmes et difficultés à court terme, alors que ses bienfaits ne sont visibles qu’au bout d’un temps assez long. L’égalité, par contre, donne des effets « positifs » immédiatement perceptibles, et les inconvénients y étant liés ne seront visibles que plus tard. On préfère donc l’égalité quand on réfléchit sur le court terme. Pour résumer je dirais qu’être libre implique de devoir résoudre nombre de problèmes, mais que lorsqu’on devient libre, le rester ne dépend que de nous-même. Si d’aventure nous perdons notre liberté et que nous souhaitons la reconquérir, cela reste en général possible, après des efforts et un chemin qui souvent apparaitront longs et difficiles, mais qui parfois s’avéreront tout compte fait courts et faciles.

CONCLUSION

Ces quelques remarques sur l’état de liberté se retrouvent bien exprimées dans notre devise « Liberté, Égalité, Fraternité ». On remarquera que la liberté arrive ici avant l’égalité, ce qui signifie que pour nous autres francs-maçons, elle possède une importance plus grande. De même, et malgré l’apparente contradiction entre ces deux notions, en réalité elles sont indissolublement liées entre elles. La fraternité, dernier joyau de ce triptyque, correspond à l’équivalent profane de l’ancienne qualité chevaleresque de miséricorde. Les interprétations que l’on peut en donner sont aussi variées, mais cela sera l’objet d’une autre planche.

En résumé, je peux dire que si vous le souhaitez vous pouvez en ce moment être libres. À un moment de votre vie le choix vous a été donné, et vous avez arbitré entre différents niveaux de liberté et d’égalité ; cependant vous pouvez à tout moment changer d’avis. La franc-maçonnerie vous offre des possibilités, élargit votre horizon, et vous permet de prendre consciemment des décisions en fonction de votre avancée sur le chemin initiatique ou sur le grand chemin de notre vie.